dimanche 11 juillet 2010

Hollande-Espagne


Lieu : Les Enfants de Paris, 116 rue Amelot, Paris 11e.
Commentaires : TF1 trop fort.


Alors, alors, tu le vois où le match ? Chez les Hollandais ? Tu t’es déjà fourré dans un restaurant Catalan ? Les questions s’accumulent. Ma réponse est identique. Au plus près de chez moi. En territoire neutre pour La Dernière.

Dimanche soir. Mauvaise pioche. Le bar d’en bas est rideau baissé. Que faire de mon concept ? Le suivre et tourner au coin de la rue, 20 mètres plus loin, direction Les Enfants de Paris.
Le comptoir en U respire le neuf. Acheté, repris, changé, lifté, l’établissement n’a rien d’un rade affreux. Quelques tables sont réservées pour les vieux habitués du mois dernier. Toutes ces belles personnes, ces différents looks, ces gamins en salopettes. On se croirait à New-York ou à Berlin analyse Vincent qui s’y connaît sacrément en géographie urbaine.
Je vais prendre une petite bière moi aussi. Il a fait bouillant aujourd’hui. Une putain de cagne, tu veux dire. Aucun supporter apparent. Cris nuls. Angoisse absente.
Les oranjes jouent en orange. La roja en rouge. C’est facile à retenir. La télé se grisaille. La HD, c’est vraiment de la merde se désole le patron. Le match s’engage dans l’équité émotionnelle.
Ohlala. Les bataves, c’est des bâtards. De sacrés débiteurs de jambon. Je le dis depuis le début. Les coups sous la ceinture donnent faim. La cuisinière est brésilienne. Des petites bouchées trempées permettent de tenir jusqu’à la cigarette de la pause.
Là, il y en a vraiment marre car c’est pas très légal tout ça. Vamos Espagne prononcé avec l’accent français sonne faux mais monte en puissance. Tu peux arrêter de répéter Caramba, Caramba toutes les cinq minutes. L’assemblée moins une personne a choisi son camp.
Les Gentils. Les Méchants. Le glissement est remarquable. Définitif et sans appel. Cela applaudit. Siffle. Regrette avec mauvaise foi. Désolé de vous déranger dans ce moment compliqué, mais si vous voulez encore manger, il faut commander maintenant, la cuisine va fermer.
C’est toujours pareil. Justice et morale n’existent pas en football. François pronostique une victoire finale des Méchants tout en espérant le contraire.

Super, le pari est perdu. Un concert de klaxons arrosé de campeones, campeones s’improvise dans les rues. Remise de la coupe dans la neutralité du bar. Pas d’embrassade, ni de joie exagérée. Juste la satisfaction générale d’avoir grimpé sur le bon cheval et observé la victoire d’un désigné Bien sur le Mal.
Les petits commencent à pleurer. Vouloir boire ailleurs. Il est temps d’aller se coucher avec une jolie histoire. Demain, Les Enfants de Paris auront tout oublié. Sauf que cela finit bien.

mercredi 7 juillet 2010

Allemagne-Espagne


Lieu : Goethe Institut, 17 Avenue d’Iena, Paris 16.
Commentaires : Allemand très doux.


Ne le cachons pas. Autre que la fatigue et la lassitude de fréquenter chaque soir un comptoir différent, l’idée de se rendre au Goethe Institut tient en une phrase « À la mi-temps sera remis une récompense pour le plus beau costume célébrant la Nationalmannshaft ».

Besoin de clichés en grosses chaussettes, soif de folklore bavarois n’empêchent pas le retard. Des reproches, des petits cris, voilà pour l’accueil. La raison est simple. Etourderie et méconnaissance de la langue allemande qui raconte en substance « attention idiot, tu es devant le rétroprojecteur et nous empêches de voir la partie ».
Plus une jolie chaise noire disponible dans la salle parquetée. Avec la promesse de les remettre ensuite, les relax métalliques vertes du patio font l’affaire.
Dans la pénombre, état des lieux visuel. Public assez âgé et bien fagoté, étudiants sortis de la bibliothèque, quelques femmes seules et un aveugle qui se fait raconter la partie par son voisin.
Le son du match est léger. Ne dérange en rien les conversations et le murmure permanent. Où vas-tu en vacances ? Je présenterai ma thèse en septembre. C’est quoi l’idée de la règle du hors-jeu ?
Quelques allers-retours. Vers le design du grand hall où des dames à la coiffure mise en plis proposent bières fraîches et petits pains. Une seule variété de wurst mais plusieurs sauces. Bruit discret de vuvuzela pour célébrer le retour sur blessure d’un joueur. Des Iphones s’exposent pour démontrer que l’application est désormais disponible et moins bruyante.
Déjà la mi-temps. La salle profite de l’air chaud du jardin. Un type prend la parole façon Arte. Il commence une phrase en français et la termine en allemand. Enfin le concours. Un regard circulaire en dit long sur le faible nombre de combattants. Aucun.
Dans l’indifférence générale, parents exceptés, un garçonnet avec un chapeau rouge, noir et or remporte une valise contenant les dernières publications de l’Institut.
Le match a repris. Bien peu s’en sont aperçus. On converse au clair de lune. Dissertation lancée sur le sens des badges offerts à l’accueil. Klar, Tchuss, Prost est-il écrit dessus. Gluck remporte le plus de succès.
But des rouges. Supériorité ibérique évidente. Quelques verres glissent sans avoir le temps de tacher le sol. Vite, vite une serviette, et hop, il n’y paraît plus rien. Je suis pas très foot. Pourquoi l’arbitre n’est pas en noir? Ils sont beaux, ces jeunes espagnols. C’est bientôt fini ?

Oui. La plus belle vague d’applaudissements célèbre la fin du match. Elle consomme la défaite avec le fair-play qui sied aux amateurs éclairés. Ou aux indifférents qui cherchent des prétextes pour se retrouver et discuter par une belle soirée d'été.

samedi 3 juillet 2010

Argentine-Allemagne


Lieu : El Chivito, 63, rue Paraminières Toulouse.
Commentaires : TF1 audible.


8 m2, c’est suffisant pour loger 4 tables en bois, quelques bancs et promettre milanesas, empanadas ou choripans. El Chivito a fait le plein et plus encore. Un mélange héteroclite de barbes de trois jours, chemisettes repassées, marcels musclés et serre-têtes se presse autour d’un point commun.

L’hymne argentin est ignoré. Pas l’allemand qui est gentiment sifflé.
Ganar o morir. Le match démarre. Comme d’habitude, on va souffrir. A peine le temps de rêver à 86 et passer une paire de chansons en revue, douche froide. Loco, no pasa nada excuse le commentateur rasta et tatoué. Serein, il officie en fumant à travers la fenêtre, depuis la rue.
Des retardataires se faufilent. Accueil et mine des mauvais jours. Heureusement, ils ont apporté les porte-bonheurs. Echarpe sale, petit drapeau que l’on s’empresse de serrer et tripoter très fort.
Le tatoué roule les RRR. Il encourage l’Apache, invoque l’amour de Dieu et demande l’entrée d’un joueur uruguayen. Il fait rire. C’est le seul.
Chute. Un pot de fleurs bleu et blanc s’écrase au sol. La plante demeure les racines en l’air. Trop de monde. Le tatoué aide à extraire la porte de ses gonds et ainsi permettre à ceux qui sont dehors d’assister au spectacle.
Musique et soupirs. Ganar o morir. Ils vont se réveiller répète le tatoué. Ne pas prendre de second but. Et surtout intervertir les places à la mi-temps pour conjurer le mauvais sort.
Tir. Tir. Tir. C’est mou. A peine de quoi s’émousser en frappant des mains et murmurer quelques injures.
Tir, tir, tir. C’est dedans. Dîtes moi que je vais me réveiller. La voix du tatoué s’éteint. Le petit drapeau ne résiste pas et se déchire. Je ne veux pas voir cela. Je ne peux pas voir cela. La fenêtre est abandonnée. Le local se vide en silence.
Plus un mot. Les 8m2 paraissent maintenant immenses. Emplis de tristesse et de désolation. Des regards qui s’évitent. Des phrases entre voisins qui ne se terminent pas. Les derniers habitants ne parviennent pas à quitter les yeux de l’écran. Tétanisés. Hébétés. Scotchés. Même quand la publicité pour rasoirs jetables démarre et que les joueurs ont rejoint l’ombre des vestiaires.

Des klaxons animent la rue. Suerte, ce n’est pas des allemands en goguette. Juste des mariés qui veulent partager leur bonheur. Impossible d’esquisser le moindre sourire. Simplement s’écarter pour laisser passer le joyeux convoi. A l’écart, assommé auprès d’une rambarde, le tatoué ne peut pas. Ne voit pas. N’arrive pas à se relever. Ganar o morir.

vendredi 2 juillet 2010

Brésil-Hollande


Lieu : Caribe Café, 12 place Victor Hugo Toulouse.
Commentaires : France 2 audible.


Canicule sur Toulouse. Ou trouver la fraicheur ? Sous le ventilateur du Caribe. Dans une paillote intérieure décorée de canisses, drapeaux du Brésil et faux perroquets.
Une boisson gelée tourne dans une centrifugeuse qui affiche Granita en lettres rouges fraise. Il en sort un liquide au goût de citron et de cachaça industrielle. Donne-moi une limonade plutôt.

Discours d’un joueur au micro avant le match. La samba couvre ses paroles. Vai, vai monte le son. Trop tard, sans l’avoir entendu, on l’applaudit quand même. L’hymne démarre. Chanté du bout des lèvres.
Tous les modèles de maillot sont disponibles au Caribe. Jaunes, verts, bleu, Corcovado, soleil, plage et palmiers. Une question française se perd dans le brouhaha, le tout le monde debout et les cheveux rastas. Si j’étais à l’étranger, afficherais-je avec autant de ferveur mes couleurs nationales ?
Issou. But du Brésil. Fausse alerte. A peine rangé, embrassades, sauts et Brazeou! Brazeou ! refont trembler les canisses. Sifflets et cornes de brume organisent une sonore compétition. Trop facile. Un grand pot de bière, bien gelada s’il vous plaît, fait le tour des lèvres. Que valeu ! Le serveur s’amuse à asperger la foule à coups de robinet d’eau pétillante. C’est sucré mais cela fait du bien. Todo bem.
Bruits de couloir. Hurlements. Pendant 5 secondes les regards se détachent de l’écran. Le bar du fond s’est écroulé sous les pas de danse. Pas grave, on le remontera à la mi-temps.
Tranquilo, jupes courtes, muscles et tongs prennent l’air chaud. Tu es tellement magnifique cet après midi ! 15 ans déjà ton premier fils ? Ah, vous les Bahaianais vous avez vraiment une énorme bouche.
Ca recule. Ca va être chaud. Les colliers de plage sont décortiqués pierre après pierre. Une coupe du monde sans Brésil n’est plus une coupe du monde. Le klaxon devient canard. Des lunettes de pacotille se cassent. La télé geint. Se coupe. Puis reprend. Avec le même cauchemar éveillé.
Vive invective dans le bar. Dispute. A qui la faute ? Qui criera le plus fort ? Laissez-moi passer. Tu me marches sur les pieds. Les commentateurs portent malheur. L’égoïste tue le collectif. Je ne veux pas. Dernier tir main dans la main. Signe de croix. C’est mort. Il n’y a plus qu’à pleurer. Et appeler sa mère ou sa petite amie.

En 2016, la coupe du monde sera chez nous. Au pieds des favelas avec les fusils braqués. Si les joueurs se manquent, ils sont…. Le geste de la main est explicite. On s’en fout. On s’en fout. Il n’y a que nous qui avons 5 étoiles.
Joints d'herbe au bec un groupe de garçons ne prend pas part aux débats. De la tête, du pied, du ventre, ils jonglent avec un ballon jaune. Ils comptent aussi. 23-24-25-26. Aïe c’est loupé. Encore toi ! Rigolade. Faut tout recommencer.

mardi 29 juin 2010

Espagne-Portugal


Lieu : La Paella, rue des Vinaigriers Paris 10.
Commentaires : Espagnol audible, baissé puis remis.

La Paella est une institution familiale de l’Espagne à Paris. Desde 1954 indique la vitrine. Beaucoup de monde. Age, sexe, amis, famille et chiens indifférenciés. Pas d’excès de confiance visible. Face aux cousins, modestie est de rigueur. Installée sur le trottoir, une tireuse à bière temporaire évite de passer par le comptoir. Demi plutôt que pinte pour ne pas risquer le réchauffement.

Désolé, la salle de restaurant du premier étage est entièrement réservée. Au rez-de-chaussée, les habitués ont pris leurs précautions. Les assiettes de tapas sont vides mais pas question de bouger du tabouret. Reste à se créer une place debout entre escaliers, comptoir, néons rouges et cuisine.
Hymne ignoré. Balayé. La selección ne résout pas les différences culturelles. Un enfant se faufile avec un étrange drapeau blanc à franges. ¿Real Zaragoza, por qué?. Le petit ne répond pas et file s’installer sur les épaules paternelles.
Odeurs de poissons frits. Boquerones, pulpo hurle la serveuse. Une main attrape l’assiette. Étonnant ballet. Version alimentaire du jeu de passes tiki-tiki. La commande part du comptoir, file en cuisine, évite la foule, revient, monte les escaliers et redescend sans heurt ni renversement.
Action dangereuse. Vague timide de España ! España ! España ! Une voix crie Portugal ! Portugal ! Portugal ! Un tee-shirt rose tendance masochiste se dresse et reprend seul contre tous. Regards médusés. Pas d’incident diplomatique. Ni de quoi s’enthousiasmer. Les chants des Gambas! Lomo ! Tortilla ! remettent les idées au clair.
Mi-temps. Rafraîchissement généralisé dans la rue. Les gamins jouent au pistolet à eau. Les parents tirent sur de la bière fraiche. La pause est trop courte pour tous.
Ca se rapproche. Ca va venir. Un vieux béret aligne cafés et petits verres d’alcool brun. Le petit-fils s’enfile du Kas Lemon à la paille. Villa ! Villa ! Villa ! Maravilla ! Le buteur a droit à sa chanson. Une grand coup de cloche sonne célèbre l’évènement. Et elle est pour qui cette ración de moules ? 3 mains se lèvent en même temps.
Des litres de bière sont transférés direction les cuisines. Olé, Olé, plus besoin de s’empêcher de chanter et de se gratter la tête. Dernier coup de cloche. Ca sent la gagne. C’est plié.

Campeon. Campeon. Campeon. La terrasse du bar voit plus loin que le bout de son nez. Cris, joie, discussions enflammées. Les chiens aboient, les mamans promettent de bientôt rentrer. Où sommes-nous donc passés ? Sur 10 m2, la rue des Vinaigriers a franchi les Pyrénées.
Alors, pourquoi douter ?

Japon-Paraguay


Lieu : Le Bistrot Japonais, anciennement Le Ventadour, 46 rue des Petits Champs Paris 2.
Commentaires : France 2 audible.

Le coup était sur. Quartier Saint-Anne, haut lieu de la culture niponne, le bonheur serait au coin de la rue. Un renseignement plus tard, voilà le Bistrot Japonais. Comptoir en zinc, bière à la pression, tabac, bingo, loto, du classique. A quelques détails près.
Personnel et clientèle majoritairement japonais, alcools à idéogrammes sur l’étagère et panneaux indiquant que, pendant le match, tous les jeux (rapido compris) seront suspendus. C’est du sérieux.

Comment dit-on à votre santé en japonais ? L’hymne est ignoré. Un métis explique que les paroles sont d’un autre temps et d’inspiration ultranationaliste.
Le bar a fait le plein. Japonais, français avec maillot des samouraïs bleus, sympathisants du quartier se placent dos à dos. Petite télé ou écran géant, comptoir ou salle. Les plus petits gabarits demandent pardon et se hissent sur la pointe de leurs ongles multicolores. Tire le rideau, y a trop de lumière.
Les cris sont rares. Les émotions contenues. Pour lutter contre la sueur, des mouchoirs pliés sortent des poches. Les tickets rapido ventilent de l’air frais. Les serveurs se placent des glaçons dans le dos. Les magasins ferment, les restaurants vont ouvrir, l’espace se resserre dans l’ordre et la gêne. Deux types de salutation. Bises franches ou hochements de tête.
Ils ont déjà marqué interroge une vieille antillaise à la vue défaillante ? Non, c’est petit filet.
Man Nix débarque à la pause. Le Japon me fascine. Armé de sa flipcam, il disparaît entre papillon brodé dans les cheveux, bandeau kamikaze au soleil levant et veste de jogging bleu canard.
D’en face, d’à coté, on vient aux informations. Rien de neuf informe une chemisette à rayures immobile.
Les yeux clignotent, tiquent et toquent. C’est long. Ennuyeux. Les ralentis permettent de s’extasier sur des gestes défensifs héroïques et de crier Nippon, Nippon, Nippon ! Mais pas trop longtemps.
Des cravates arrivent. Soufflent. Souffrent. Ce n’est toujours pas fini. Cela se prolonge.
Les passants ne sortent plus du bar. Grand-mères à casquette et jeunes filles tatouées comprises.
Penalty. Révision complète des noms des joueurs. Avant chaque tir, le nom est scandé. Honda. Kawagachi. Endo. Les mains frissonnent. Se joignent. S’accrochent à tout ce qui est possible. Petit chien. Journaux. Cravate. Porte-clefs poupée. Verre. Amie. Téléphone. Comptoir. Pim sur la barre. Raté. Oohhh !

Pas de rage tragique. Déception à peine visible. Les français sont les plus accablés. Le bar se dépeuple à la vitesse grand V avec des petits sourires. La victoire eut été belle. Mais n’aurait pas changé ce sentiment de ne rien pouvoir arracher à l’intimité.

dimanche 27 juin 2010

Angleterre-Allemagne


Lieu : The Bombardier 2, place du Panthéon, Paris 5.
Commentaires : BBC audible.

L’après-midi est chaude. Propice à coup de soleil. Habitués et touristes d’outre-manche se sont passés le mot. Les femmes à la maison. Les hommes au Bombardier. Le vieux pub déborde bruyamment sur le parvis sage de l’Eglise Sainte Geneviève.

Un videur a été engagé pour réguler le flux vers le comptoir. Crâne rasé, tatouages derrière les oreilles, yeux hagards pierciés, il fait peur. Par provocation, il arbore une cape aux couleurs allemandes.
La confiance règne. Les mobiles s’agitent. Il est encore temps de parier. Quel sera le premier buteur anglais ? Combien de buts marqués du pied gauche ? Les sommes sont mirobolantes. Le videur s’esclaffe. Il lui manque les trois dents de devant. Le sourire de la malchance.
God save the queen n'est pas chanté. A peine murmuré et recouvert par des Go England.
Sueurs et odeurs se ramassent à la pelle. Impossible de bouger. On s’accroche aux poutres. La fraîcheur de la pierre de taille est une légende. Les sous-bocks servent d’éventail. Come on boys ! Un type commande deux pintes. Il en écluse une cul sec. Et s’en retourne avec l’autre, la serre de trop près. Crac, le verre en plastique explose dans l’indifférence générale. Wake up sons ! Le ballon a franchi la ligne. Malédiction. La revanche du destin. Flag ! Flag ! Et une bordée d’injures mâchonnées et incompréhensibles.
Mi-temps. De l’air. De l’air. On rajoute des glaçons dans sa mousse. C’est pas fini. Courage. Donne–moi une Red Bull. Des touristes français en visite au Panthéon s’interrogent sur le sens de cette manifestation. Les frenchies avec nous. Dites-moi, que vous non plus, vous n’aimez pas les prussiens.
La puissance allemande est totale. Coup de poing sur les tables en bois. Paquets de chips explosés. Incredible. Le pub se liquéfie de désespoir. L’espace se desserre. On peut presque s’asseoir. Plus besoin de sous-bock. J’aperçois enfin la moquette absorbante verte et d’élégantes gravures de bateaux. Un tableau annonce l’origine de la viande servie au pub. Bœuf : Pays bas et Argentine. Porc : Angleterre. Agneau : France et Irlande. L’œil est terne. Le chapeau à clochettes bas. Reste l'honneur. La fin du match s’aperçoit dehors, depuis les fenêtres. Too sad.

La défaite est consommée. The dream is over a dit la télé. Des sous-bocks désintégrés jonchent le sol. Le videur, armé d’une petite pique, part à la pêche. Les filles arrivent pour la dernière pinte avec les sacs d’emplettes et des tongs au pieds.
Toujours des pronostics. Sur les gros titres de la presse nationale de demain. Sans plus rien avoir à perdre.

samedi 26 juin 2010

Corée du Sud-Uruguay


Lieu : Jardins du Trocadéro, Paris 16.
Commentaires : audible.

Le centre culturel coréen sera fermé. Nous avons eu trop de demandes. Tout se passera à coté, au Trocadéro. Nous attendons plus de 500 personnes. Au revoir cher monsieur.

Il fait chaud. 31°C annonce un panneau électronique. La foule est dense dans ce haut lieu touristique. Des noirs vendent gadgets et drapeaux aux couleurs des équipes. Plus bas, entre les statues, au pied de la tour Eiffel, les rouges sont déjà là. Pas de boisson avec capuchon, passez par cette file, un détour chez le sponsor de l’évènement ?
Un stand propose du maquillage. Les gamines en raffolent. 3 modèles sont proposés : tigre bleu, diablotin rouge ou drapeau coréen qui ressemble au logo de Pepsi Cola.
Les familles s’installent sur les hauteurs et sous des parapluies. Assis en tailleur sur une pelouse artificielle, les jeunes fixent l’écran géant. Autant de garçons que de filles qui se protègent du soleil à grand renfort de chapeaux. Sur les lignes de touche, les indifférents. Peu nombreux. Les seuls torses nus.
Partage de galettes à la consistance mystérieuse. On boit à la paille un liquide blanchâtre. Hymne. Les éventails roses en forme de tête d’ours s’agitent et cachent quelques larmes. Un vieux a transporté un drapeau géant. Ses bras tremblent.
L’affaire se présente mal. Un but de la céleste permet de faire les comptes. Une infime grappe bleue se dresse. Elle est vite débordée. Kia Motors, le sponsor de l’après-midi, a pensé son affaire. Il a distribué à chacun des paires de bras pneumatiques rouges. Dirigés vers le ciel, frappés l’un sur l’autre, les chorégraphies sont impeccables. Un tintamarre organisé de casseroles géantes dont le chef d’orchestre est caché. Coté gauche ? Droit ? Difficile de savoir qui lance le mouvement.
Le parterre s’affole. Reste toujours assis. Cris d’hystérie. C’est raté. Je ne retiens qu’un chant à la transcription phonétique incertaine. Ter-Ni-Koh ! Ter-Ni-Koh !
Mi-temps. Trop de monde à la baraque à boissons. Glaces italiennes débordées. Sortir de l’enceinte, la chaleur est étouffante. Devant l’aquarium du Trocadéro, la tentation de prendre le frais et d’observer une autre espèce. Un gitan vend des canettes extraites d’un sceau où les glaçons ne sont que souvenirs.
Pas facile de retrouver ses amis. Faire signe avec le bras rouge est vain. Les téléphones ne passent plus. Brandir alors le fameux serre-tête avec les cornes de diable.
Aucune raison de se décourager. Continuer à chanter. Regonfler les petits bras rouges. Et taper encore plus fort sur les pneumatiques. Cris d’hystérie. C’est dedans. Pour la première fois, tout le monde se lève. Des milliers confettis géants rouges s’envolent vers la Tout Eiffel. Vague de bonheur et d'embrassades. Pour peu de temps. L’issue finale fait rasseoir les diablotins.

Les noirs rangent les drapeaux coréens et préparent des étendards américains.
Pim ! Pam ! Poum ! Des adolescents ont déclenché la manœuvre. La pétarade devient générale. Avant de se quitter, on saute à pieds joints pour éclater les pneumatiques Kia Motors. Un petit garçon ne veut pas partir. Il ramasse les confettis géants éparpillés sur la pelouse. Sa mère le presse. Encore. Un peu dans le tee-shirt. Une dernière poignée. Il les projette le plus haut possible avec de grands yeux émerveillés. Pas besoin d'un but pour regarder le ciel et sourire.

vendredi 25 juin 2010

Chili-Espagne


Lieu : El Molino 181, avenue Jean Jaurès Paris 19
Commentaires : TF1 audible.

El Molino est un long restaurant propre et carré. Sans réservation, inutile d’insister pour récupérer une table inoccupée. Elles le seront bientôt. Suavemente d’autres familles vont arriver argumente la serveuse racée au bras droit tatoué.

Depuis le comptoir, nous assistons à l’hymne. Les chaises en teck se remuent. Contraction. Expiration. Contraction. On se lève pour chanter. Le Pisco Sour ramène Julo 20 ans en arrière. On se rassoit en prenant soin de tourner la poussette de bébé dans le bon sens. Face à l’écran plat. Le même que celui de la maison. Papita et mamita ont déjà bouffé. Fiston débarque et présente sa fiancée. Elle porte un maillot rouge. Abrazos.
Stupido. Stupido. Ca ne va pas du tout. Le riz devient tout blanc. Les choripanes especial mundial sont servis sans salade. Le ceviche n’est qu’un conglomérat de petites crevettes et d’un trop plein de coriandre. Ohlalalala. Les têtes se baissent. La tension retombe au plus bas. Les voix sont désoeuvrées. Mamita s’est retournée et discute avec sa voisine de banquette. Un désastre.
Mi-temps. Proche de la dépression. Assis sur un banc, Moustache m’aborde. Tous les arguments passent. Equipe jeune. Coach talentueux. Manque d’expérience. Jusqu’à la preuve imparable. Les cartes avaient tout annoncé. Dans un journal, un mage avait prédit but de l’Espagne à la 7e puis à la 23e. Rien à faire contre le destin s’il est écrit dans les étoiles. Correction, le but de l’Espagne a été planté à la 24e. Tentative de consolation sur un trottoir parisien. Faire vivre l’espoir en allumant une cigarette brune. Moustache peine à y croire
Chi-chi-chi ! Lé-lé-lé ! Viva chiléhhh ! Un cri de joie nous ramène à l’intérieur. Un garçon s’est levé et encourage. L'espérance revient. Attente et nervosité aussi. Mamita ne parle plus à sa voisine. Elle interroge fiston. Alors, alors, ils disent quoi sur le téléphone portable ? Fiston répond une fois. Deux fois. Puis s’agace. Il tend le cellulaire. Mamita incrédule tripote l’objet. Appuie sur les touches. Et demande de l’aide à maillot rouge. Enfin un sourire. Chi-chi-chi ! Lé-lé-lé ! Viva chiléhhh !

L’écran respire et s'éteint. Grand ouf. Des guitares démarrent. Le choripan a meilleur goût. Comme celui que je mangeais il y a 20 ans raconte Julo. Pisco Sour. Bouchon de champagne. On voulait gagner. C’est dommage. Oh doucement tempère la barbe du patron. Moustache est hilare. Je l’aborde. Alors les cartes, le mage ? Moustache frissonne. Hésite. Le mago c’était toi !
Il m’embrasse.

Portugal-Brésil/Brésil-Portugal


Lieu : Lagoa , 13 rue Montcalm Paris 18.
Commentaires : Portugais audible

Tu verras, avait averti Le Muge, à Lagoa, y a une sacrée ambiance. Cela ne rien à voir avec Le Villageois. Et puis, tu vas doubler la mise. Le patron est portugais, sa femme brésilienne, du Minais Gerais.

L’accueil est à la hauteur des espérances. Bon dia, bon diaaa, bondiaaaah ! Poulet frango ou menu complet à 12 euros boissons comprises ont été avalés. On range les desserts à la crème dans l’énorme frigo vitré de la salle de restaurant.
Coup d’œil rapide, le Muge a dit vrai, l’atmosphère est à la rigolade. Le week-end arrive. La Superbock se boit à la pression. Elle est fraîche. Difficile de savoir qui est pour qui. Les maillots s’entremêlent. S’échangent alors que la partie n’a pas commencé.
Le match compte pour du beurre mais les pronostics vont bon train. Fantaisistes. Démesurés. Attention, le Portugal n’a jamais battu le Brésil en officiel. En amical oui précise un spécialiste. Et là, c’est quoi ?, questionne le patron en distribuant soucoupes en terre cuite emplies jusqu’à la gueule de lupins jaunes.
Deux vuvuzelas rouges sont l’attraction sonore du jour. Faut violemment expirer pour arracher un son. Les joues sont épicées. Un petit drapeau bleu-blanc-rouge sur le front est agité. Comme un gamin avec un nouveau joujou. Nul ne l’arrête. Les copains s’esclaffent. Il souffle. Souffle. Sans la moindre raison. La patronne sort son sifflet de carnaval. Le plus ennuyé est le canari jaune qui tressaute sur sa balançoire.
Un type entre avec une perruque afro. Embrassades, effusions, retrouvailles. Encore un ami. Il y avait si longtemps. La ribambelle de coupes aux formes diverses (ballons, chaussures, bonhommes) est explicite. Lagoa est le siège du CPPC (Cercle Portugais de la Place de Clichy). Sous l’étagère, procès verbaux de l’association, photos d’équipes jaunies et recouvertes par de plus fraîches. Je cherche dans les visages une trace du passé. En vain. A moins qu’ils n’aient beaucoup grossi. Perdu cheveux, moustaches et jeunesse.
Mi-temps. Changement de maillots. Les jaunes deviennent rouges et vice-versa. Quelques commentaires hilarants sur les filles qui passent. Petit drapeau trimballe sa vuvuzela et arrose le voisinage. Il fait trop chaud dehors. Retour à l’intérieur sous le gros ventilateur.
Des hommes bleus ont rejoint la troupe. Ouvriers du chantier du voisin en grosses chaussures qui n’ont pris le temps de se changer. Plus de superbock à la pression. Va pour en bouteille. Amène du citron vert. Un joueur perd son short. La perruque change de tête. Chacun l’essaie. Prend des photos. Je l’évite de peu. Elle atterrit sur le crâne d’un chauve. Il ressemble à Eusebio conclue l’assemblée.
Plus de lupins. Les cendriers débordent. Des verres glissent et éclaboussent une écharpe bicolore aux origines supertitieuses. Action du brésil. Yehooou, yehooou strident de la patronne. Tir du Portugal. Ahooou ahou rauque. Enfin une différence.

Acabo, Acabo répète l’assemblée. Tout le monde a gagné. Personne n’a perdu. Une pointe de déception. De qui va-t-on se moquer ?
La patronne donne un grand coup de sifflet à grelots. Petit drapeau est torse nu. Les citrons sont arrivés. Le canari n’est pas prêt de s'endormir.

mercredi 23 juin 2010

Allemagne-Ghana


Lieu : Café Titon, 34 rue Titon Paris 11.
Commentaires : allemand mais inaudible depuis la rue.

J’aurais du m’en douter. Aucune place à proximité pour enfiler mon mon vélib. C’est raté pour l’hymne. Et je n’ose poser la question à l’impressionnante foule massée devant le Titon : a-t-il été chanté depuis le trottoir ?

Le bar déborde, la multitude est gaie, sympathique et plutôt jolie. Ils s’embrassent. Ne se sont pas vus depuis longtemps. Moyenne d’âge autour de 30 ans, étudiants, jeunes actifs, beaucoup se déclarent peu ou pas très foot. Tous se la jouent modestes. L’équipe est jeune. Elle a beaucoup à apprendre dit-on.
Des filles se sont bariolées les joues. Un garçon a enfilé de longues chaussettes et une salopette munichoise. Il sue beaucoup. Ce n’est pas le seul. L’accès au bar est impossible. Je fais donc comme les autres. Reste dehors. A observer un grand écran déformé par le reflet d’une vitre.
Le monde se partage en trois catégories. A l’intérieur, nez contre la vitre ou sur le trottoir d’en face. Ces derniers ne voient rien. Ils discutent en buvant des bières extraites de sacs plastiques. Guidés par les oh, ah et ih, ils se hissent de temps en temps sur la pointe des pieds. Quelqu’un explique qu’il y a deux frères sur le terrain. Leçons d’allemand trop éloignées pour en saisir d’avantage.
Attention. Laissez le passage s’il vous plait. Un employé du bar tente de drainer la foule et permettre ainsi aux voitures de se frayer un chemin. La surprise se lit sur les visages des passants. Certains s’arrêtent et partagent des canettes. L’agacement, c’est pour le voisin du premier étage. Il ferme un à un les volets de son appartement en essayant de faire le plus de bruit possible.
Mi-temps. L’employé du bar précise que le match est retransmis au Chanzy tout à coté. Personne ne bouge. Au pub irlandais aussi. Pas plus de mouvement si ce n’est vers l’épicerie faire le plein de bières. Une famille débarque. Des enfants métis portent autour du cou des colliers tahitiens aux couleurs de la Manschaft. Plus loin, un chien type paillasson semble apeuré. Lui aussi pourtant a son collier noir et jaune.
Quelques saucisses ont réussi à s’extirper pendant la pause. Elles sont oranges et entourées de pommes de terre et de sauce. Chaque coup de pied arrêté permet de pousser. Ohhhhh. Le bar sautille. Une décolorée se fait marcher sur ses pieds nus. Je l’ai vu, je l’ai vu. Pas sûr. Même avec le ralenti, seuls les plus grands y ont droit.

Le gars du bar se balade avec un sac poubelle. Il ramasse, recueille, quémande les résidus. Quelques un se proposent de l’aider à faire le ménage. Un scooter slalome au milieu de la foule. Il gueule « Allez l’Irlande ». Le voisin du deuxième ferme à son tour ses volets. Je m’éloigne. Vier, drei, zwei, ein. Le décompte est scandé avec enthousiasme. En détachant mon vélo, j’entends de loin la réponse à ma première question.

mardi 22 juin 2010

Grèce-Argentine


Lieu : Margen’s pub, 65 rue Mouffetard Paris 5.
Commentaires : Grec à peine audible puis son coupé.

Il y avait l’embarras du choix. Olympis, Fils d’Aphrodite ou Socrate, autant de noms à ascendance évidente. J’observais brochettes en exposition, discutais avec portiers chargés d’attirer le chaland, évitais anglais ayant réservé une table pour 24 quand je le vis. Le Margen.

Certes, Margen ne sonne pas vraiment hellène. Mais la rue Mouffetard est le cœur du quartier grec de Paris. Les restaurateurs ne se contentent pas de tourner la broche. Ils font aussi des enfants. Qui se retrouvent pour les grandes occasions. Au Margen.
La confiance règne. Nous allons les emmerder. Ils vont suer déclare un maillot blanc avec un pin’s mal accroché sur sa casquette. La ressemblance est frappante. Tennis aux pieds, barbe mal taillée, muscles apparents, le modèle original est à l’écran. 5-O a-t-on écrit à la craie sur un tableau publicitaire distribué par la bière Mithos. Va.
Le grec n’est pas une langue morte. L’hymne est hurlé. J’apprends qu’il existe un lycée hellénique à Paris. Les cours sont efficaces car les jeunes ont oublié leur français. Les femmes sont assises. Les hommes debout. Geste de galanterie ?
Non. C’est surtout qu’ils n’arrivent pas à tenir en place et recommandent des petites bouteilles d’anis de 50 centilitres. Le match est ennuyeux. Un rien fait réagir et se resservir. Pourquoi ne pas chanter ?
Des odes à la sélection. Et surtout au club de cœur. AEK, Pana, c’est à qui criera le plus fort.
Mi-temps. Une foule compacte s’échappe. Je m’aperçois que le pub compte une arrière-salle emplie jusqu’à la gorge. Des gamins extraient de leurs bananes pétards et feux de Bengale. Ils les jettent sur la chaussée. Les tourbillons colorés font rire l’assistance. Jusqu’au passage d’une bagnole qui écrase tout cela dans un écran de fumée noire.
Il est interdit de sortir avec les verres. Pas de rentrer avec son sandwich à la feta. J’entremets en espagnol des types portant un maillot albiceleste. On me répond en grec une histoire obscure de superstition. Le son se coupe. But de l’Argentine. Long silence mortifère. Bruits de verre stoïques. Des anglaises échouées dialoguent. Elles rigolent même. Quelques regards noirs plus tard, elles continuent leur discussion dehors.

Les lycéens sont saouls. Ils s'échappent en braillant « Hellas, Hellas, olé, olé ». Certains titubent. D’autres se soutiennent par les épaules avant de s'affaler sur un capot. Demain, il y a école. Personne ne songe à effacer le tableau Mithos.

Afrique du Sud-France


Lieu : La pomme d’Eve, 1 rue Laplace Paris 5.
Commentaires : anglais inaudible.

Le choix était cornélien. Le sondage publié avant la rencontre clair. 75 % des français souhaitaient la défaite de l’équipe de Domenech. Autant dire que le moindre rade parisien devenait terre étrangère. L’étude eut été intéressante. Les dits rades se changeraient-ils pour autant en havre sud-africain ?
Je répondis non.

Fréquentée par les amateurs de rugby et étudiants du quartier, la Pomme d’Eve est un sous-sol gothique. Décoration sommaire, quelques peaux de bête, ballons ovales, difficile de distinguer ce pub des congénères qui pullulent dans le quartier. A part un son. Ou plutôt une langue. L’Afrikaner. Définitivement plus compliqué que le hollandais.
Une dame me propose de s’asseoir à coté d’elle. En première ligne, face au grand écran, auprès de ses enfants en sandales. C’est gentil. Elle m’entretient en langue originale. Ma réponse se perd dans l’hymne. Plutôt joli et chanté à pleine voix. La configuration cave accentue la résonnance.
Une longue coupure publicitaire plus tard, le match trottine. Les petits paquets de chips sont ouverts. Oignons, bacon et je ne sais quoi. Les noms des joueurs sud-africains ressemblent à de charmantes onomatopées. Quelques noirs dans la salle, français. Cela chuinte. Cela grince. Cela encourage. Un œil zieute une télé installée près du bar qui diffuse l’autre partie. Métronome, il informe l’assistance. Seul l’orgueil français semble intéressé. Cette même morgue qui ne cesse de déverser vérités, avis, dégout jusqu’à la nausée.
Les enfants crient bravo, bravo, bravo. Ouf, un but est marqué. Une musique entrainante célèbre l’évènement. Petits et grands se dressent, reprennent le rythme en frappant dans leurs mains. Pas le temps de m’informer sur l’auteur de la chanson, tout le monde debout, la mélodie revient. Quelques supporters bleus se taisent et en profitent pour partir.
Mi-temps. Case essorage. Les français donnent de l’air à leur téléphone portable. Les sud-africains rincent et font le plein de chips. Je change d’angle et rejoins des gens assis par terre, le plus près possible de la sortie. Ma vision est limitée mais je m’en fous. Je suis loin des jérémiades. Plein phare sur ce barbu qui imite (mal) le bruit du vuvuzela victorieux. Face aux grimaces qui se moquent des mimiques footballistiques. Dans mon dos, il y a les genoux d’un gars qui trépigne avec les bafanas. Petite bousculade. Des français s’assoient à ma droite. Lamentations de nouveau. Sale ambiance et gémissements. Ils encouragent les locaux sans y croire. La télé du bar est oubliée. Aucune ritournelle pour célébrer l’exploit français.

C’est fini. Mitraillage de flash. Entre deux pubs, les enfants se font photographier devant l’écran où des joueurs s’embrassent. Un V de la victoire dans une main, un pouce baissé dans l’autre. Le barman remet la musique du but. Cette fois en entier. Cela donne envie de danser et de s’embrasser.
Dehors, dans la rue, aux terrasses des cafés, à la bouche des mobiles, la lancinante mélodie assassine reprend. Les vieilles rancoeurs. Les bonnes rumeurs. Chacun son opinion. Forcément la bonne. Grande est la tentation de tout croquer et se réfugier à la cave.

dimanche 20 juin 2010

Cote d'ivoire-Brésil

Lieu : A La banane ivoirienne, 10, rue de la Forge Royale Paris 11.
Commentaires : TF1 audible.

Le monsieur au téléphone avait été très aimable. Il nous avait prévenu. D’habitude, le dimanche, le restaurant est fermé, mais là, c’est exceptionnel, vous ne pouvez pas réserver. Vous serez peut-être debout. Mais, venez, venez, il faut mettre l’ambiance.

Tout se passe à la cave. Un grand sourire aux cheveux gris nous accueille et reproche en blaguant d’être en retard. Vous avez juste le temps de vous servir. Allez-z-y. Allez-z-y. Grande casserole de bœuf en sauce, riz et banane offert à tout le monde. C’est bon, familial et l’assemblée métissée en met autant dans les assiettes en plastique qu’au bout de ses doigts.
Pour les bières Flag, il s’agit de faire vite, pas question ensuite de remonter à l’étage. Le match commence et l’hymne retentit. Gentiment, le parterre se lève. Les plus concernés chantent. Quelques blancs aussi. De très belles paroles. Une ode à la fraternité et l’hospitalité.
Le nouveau maillot vert des éléphants est apprécié. Une couleur porte-bonheur déjà testée. D’autres personnes arrivent. Pas de problème, l’équipe est en place et ici on se serre. Les joueurs sont appelés par leur prénom. Didier, Siaka et Emmanuel sont des cousins éloignés. Pour se déstresser, un connaisseur frappe sur un djembe. Il ponctue chaque action. C'est bien. C'est bien. Puis se tait. Le ballon est trop léger. Les joueurs ne tirent pas assez au but. Facile à dire, ils sont sur le terrain, nous sommes assis remarque un philosophe.
Kaka au chiotte, kaka au chiotte. Cela fait rigoler surtout qu’arrive la mi-temps. Rien n’est grave. Le monsieur grisonnant rapporte une nouvelle fournée de bananes.
Il y a un gros trou derrière. Tonton, pourquoi nos balles s’élèvent toujours trop haut dans le ciel ? L’arbitre français est un faux frère. Le Brésil joue avec les mains et nous avons des bras cassés. Surtout ne pas finir à 3-0. Ne pas s’entendre chanter. Et un, et deux et trois… Didier exhausse le vœu. Roulement de tambours. Un petit bonheur envahit la cave. Un éléphant ne meurt jamais.

C’était propre. Rien à ajouter. Nous sommes échec et mat. Le plus fort a gagné. Vous pouvez rester pour discuter si vous voulez. Le monsieur nous serre la main et dit à bientôt. Je me rappelle les paroles de l’hymne. Elles disaient bien vrai.

samedi 19 juin 2010

Cameroun-Danemark


La Jungle Transafric 15 rue d’Aboukir Paris 2.
Commentaires : France 2 audible


Ma découverte de la Jungle remonte à quelques années. Impossible d’en fixer la date exacte. Ayant abusé de cocktails, j’en ai oublié les détails obscurs. Si ce n’est la nationalité du maître des lieux, camerounaise.
Depuis ma visite, les affaires ont prospéré. Lait de panthère et autre dépanneur ont coulé à flot. La Jungle s’est agrandie. La charmante serveuse me dit que le match est retransmis au restaurant. Pour m’y rendre, je n’ai qu’à suivre le 4x4 du patron, cigare au bec, panama sur la tête, et tourner au coin de la rue.

Gilles est déjà là. Je m’assois sur un fauteuil de paille et partage une Guinness grand format. Cela a le goût et la couleur de l’Irlande sauf que l’étiquette annonce fièrement qu’elle est brassée à Douala, Cameroun.
Le lieu est magnifique. Tentures, masques anciens, photos de stars et chapeaux de paille embarquent le visiteur pour un voyage instantané. La France est bien loin. Excepté un couple perdu entre deux tables, nous sommes les seuls toubabs.
Costards, talons hauts, lunettes de marque, la clientèle est bien mise et se régale d’assiettes aux formes généreuses. Seule entorse au chic, des ballons verts, jaunes et rouges rappellent que ce soir les lions indomptables sont de la partie.
On y va, on y va. Un goal plus loin, certains ont en profité pour enfiler le maillot du buteur du jour, un certain Sami Etoo. A part ça que des critiques. Des demandes répétées pour faire sortir untel, celui-là aussi et surtout l’entraîneur français. Un bébé pleure. Il mendie un biberon à sa jolie mère affublée d’une casquette. Elle ne l’entend pas et tente de le maintenir sur ses genoux. Le supposé père se proclame cardiaque.
Moment de calme. Enfin la mi-temps. Changement de programme télé pour balancer une MTV locale et du makossa à plein tube. Des amis nous ont rejoint. Pablo a faim. Le ticabia sera long annonce la serveuse. Va pour poulet braisé et yassa pour tout le monde alors.
La curée se poursuit. Nous sommes maudits. Roger Milla avait raison. Ce sont des incapables, surpayés. Le Cameroun est un pays pauvre et ils utilisent des jet privés ajoute un type en se resservant une coupe de champagne.
Ils doivent rentrer à pied. Ma fierté est atteinte. Le pays va être à feu et à sang. Ce coach blanc, il faut le décalotter. Et ils sont où les anti-camerounais ?
Bigre. Notre repas se fait attendre. Pablo voudrait se barrer dans un bar danois. La convocation des ancêtres est vaine. Le cardiaque n’attend pas le coup de sifflet pour se débiner. Il demande à sa femme d’ôter sa casquette afin d’éviter la honte.

Le match est fini depuis une heure et rien de neuf sur le front de notre repas. Organisation africaine, sans doute le cuistot était-il happé par les lions ? Quoique. Arrive le moment de l’addition. Incompréhensible. La défaite est amère. Facturation spéciale toubab.
Pablo veut voir la carte. On lui tend une vieille photocopie tirée d’un tiroir. Les nouveaux tarifs. Qui est le responsable ? C’était une soirée spéciale. Excusez-moi je croyais qu’on était jeudi. Il y a une différence après 10 heures et avant minuit.
J’en ai assez. Je sors avec l’envie de ne plus revenir. Pablo me rassure d’un texto pendant la nuit. Tout s’est arrangé. Les joueurs ne rentreront pas à pied.

vendredi 18 juin 2010

USA-Slovénie



Lieu : Joe Allen 30 rue Pierre Lescot Paris 1er.
Commentaires : France 2 audible.

Je me voyais déjà auprès des lambris du Harry’s Bar. J’avais la mousse du cappuccino au bord des lèvres. Après, une semaine à fréquenter les rades, classe et élégance étaient bienvenues. Sorry guy, l’old fashion sera pour une autre fois. Pour une soirée électorale ou en finale. Car après renseignements, l’établissement n’allumerait son écran qu’à ces conditions. Pas gagné.

Dépité, direction Joe Allen. Certes dit-on, c’est un des meilleurs hamburgers de Paris. Un établissement qui a des succursales à New York et Miami. Mais là, je n’ai pas faim et il y a des sex-shops qui clignotent autour.
Bonne surprise, un type me gratifie d’un hey mate et me convie dans l’arrière-salle. Entre des photos de jazzman et vieux disques, un petit parterre est rassemblé. Il y a l’équipe du bar qui finit de déjeuner et se partage les pourboires. Mais aussi quelques supporters. Des yankees en vacances. Un couple d’homosexuels très concernés. Et même un gars avec un maillot de la sélection nationale qui sent fort la World Cup 1994.
Ca mange sévère. Du vin rouge au pichet. Simple coca pour moi. Un individu n’arrête pas de parler. C’est le fameux néophyte à qui on doit tout expliquer. La règle du hors-jeu. Les positions sur le terrain. Le nom des joueurs. Et où se trouve la Slovénie. A coté de la Tchécoslovaquie ?
J’envie un solitaire qui porte un casque accroché à un i-phone. Le voilà qui se lève. Qui tape du poing sur sa table. Ce n’est pas de la musique qu’il a dans les oreilles mais les commentaires en anglais. Les mauvaises nouvelles arrivent trop vite. Le son est en décalé. Le bar est déboussolé. Qui faut-il regarder ?
Pause. Cela passe mal. Arrivent calculs et statistiques. Prévoir l’hypothèse mathématique du troisième match. Cela a l’air compliqué. Surtout quant les journalistes annoncent la population totale en Slovénie.
L’équipe du bar s’est réduite. La composante africaine s’est débinée. Demeurent les locaux et le manager qui a déplacé le canapé Chesterfield.
Le type a ôté son casque. Cela va mieux. Ou pas. Il répète les patronymes des joueurs mal prononcés par les commentateurs. Et aussi des mots français. Atttttention ! C’est dangereuuuux ! L’arbitreeeeuh. Une vraie leçon partagée en accéléré.
Jeux rugueux, contact violent, coup, l’ingénu de la première mi-temps est lui aussi excité. Il a tout compris et débite des onomatopées format bulle de BD. Dernier ounch sur un dégagement, yeeeep, le match est terminé. Volée d’applaudissements. Plutôt longue. Yes they can s’était écrit.

Le business reprend. Les serveurs débarrassent les tables en vitesse car les nappes sont bien tachées. A voir la tronche de l’ingénu, le soccer a gagné un nouvel adepte. Il est ravi. Promet de revenir. C’était super. All right, la FIFA va être contente. Reste à œuvrer pour la géographie.

jeudi 17 juin 2010

Mexique-France



Lieu : Arriba Mexico, 32 avenue de la République Paris 11.
Commentaires : en sourdine entrecoupés de chants mariachis.

Fafa le photographe est formel. Depuis des années, il rêve en secret d’aller à Arriba Mexico et voir de près ces lumières vertes qui flashent l’avenue de la République.
Rideaux multicolores, cactus de pacotille, rangée de sombreros, Arriba fait penser à la Caféteria Casino de mon enfance. Chaque semaine, après les courses, j’avais la même envie. Pouvoir, moi aussi, choisir entre grosses fraises, viandes avec la marque du grill et pistolets à coca. Manque de pot, ma mère ne voulait pas s’y risquer.

Alors nous y voilà à Arriba Mexico. Pour conjurer le songe.
A part le patron à tête écrasée de toltèque, peu de mexicains à l’horizon. Des américaines échouées et quelques couples d’amis qui ont alignés leurs chaises face à la télé. Des français donc, à l’espoir bien enfoui.
Caramba, il y a un duo de mariachis. Imperturbables, ils font le tour des rares tables occupées. Un œil sur l’écran, l’autre sur la guitare, car ça y est, le match a débuté.
Le menu en plastique jaune est d’un aspect étrange. Il faut le retourner dans tous les sens pour comprendre. Ah oui, c’est la forme d’une statuette aztèque. Hésitation entre un menu Sombrero et la formule Pancho villa avec kir offert. Beaucoup de fautes d’orthographe. La Margarita est décevante. Elle a un goût de pulco. Un coup franc dans les nuages. Les peintures murales ne sont pas si moches, après tout.
Volée d’applaudissements. Non, ce n’est pas une action mexicaine. Encore moins un exploit français. Simplement un groupe de filles qui fête un anniversaire.
Le serveur mauricien est stressé. Il amène un gâteau farci de bougies phosphorescentes. Enfin des paillettes. C’est la mi-temps.
Les mauvaises blagues fusent. L’un sent la turista lui monter aux fesses. L’autre trouve que le gardien de but a une tronche de narco-trafiquant. Les plats ressemblent à des crêpes écrasées. Le match est un long supplice. Entre dégout. Tu n’aurais pas un aspirine à me dépanner. J’en étais sûr. Et la satisfaction masochiste d’assister à un désastre programmé.
Les mariachis jouent toujours aussi désaccordés. Le piment fait tousser. Je compte le nombre de faux perroquets accrochés au plafond. Les filles, elles, s’en foutent. Elles rigolent avec des sombreros sur la tête.

« Aïaïaïi que dolor es » reprennent avec le sourire les deux mariachis. La boule à facettes s’allume et la voix aigue des moustachus s’élève. Le moral est bas. L’addition salée. Pas la tequila offerte après négociations.
Attention à ne pas abîmer les magnifiques carreaux en la frappant précise le serveur. Ca va, je sais, demain, j’aurais mal à la tête.
Un cauchemar, c’est aussi un rêve. Qui aurait mal tourné.

mercredi 16 juin 2010

Espagne-Suisse



Lieu : El Prado 55 Boulevard Voltaire Paris 11.
Commentaires : en espagnol audible

Ma première intention était de tenter ma chance dans un café suisse. Raté, bar fermé comme un coffre-fort. Moment de panique, hésitation, puis l’évidence, le facile El Prado.
Bien connu des ouvriers du bâtiment qui viennent profiter du buffet à volonté servi à midi, le lieu est un morceau de terre espagnole échoué sur le Boulevard Voltaire. Dès sept heures, c’est la valeur sûre du tapeo. On s’y bouscule pour grignoter les beaux restes du déjeuner.

J’avais vu juste. Le bar est bondé, aucune trace du buffet, deux télés rivent les regards. Toutes les tables ont été retirées et c’est debout qu’une foule agitée assiste à ce qui paraît être une formalité.
La coupe du monde est en effet espagnole. Elle trône au-dessus des pistolets à bière et nombreux viennent l’embrasser avant de passer commande. En espagnol por favor. Car pour les quelques français, baragouiner una cana semble le gage pour être accepté à l’auberge.
Je ne suis pas le seul retardataire. En vitesse, on a sorti les maillots de la Roja gardés toute la journée dans son sac au bureau. Le personnel n’a pas eu ce problème. Il a pris son temps pour placer une mantilla à froufrou vert sous la télé et se visser une casquette rouge sur la tête.
Les paroles sont vives. La masse est confiante. Une belle action et résonnent des « palapapapalaapa y viva espana ! ». Un chauve se gratte la tête. Une demoiselle se frotte la nuque. Un barbu se tient les mains. Le mimétisme avec les images est étonnant. Même accès de colère, grand œil noir quand l’arbitre siffle à l’envers, le match est vécu intensément et la mi-temps est déjà passée.
La pause est courte. On file chercher argent, cigarette ou ami. Un privilégié a droit à une paella en catimini derrière le comptoir. D’autres bouffent des sandwiches accoudés à l’échafaudage qui barre l’immeuble.
Le glissement sémantique est brutal. Il tient à un but Suisse. Finis les vamo, oubliés les venga. Place aux hijo de puta. Vive la concha de tu madre. Pauvre mère remarque une femme. Nul ne l’entend. Et surtout pas le tatoué qui rumine et tape du pied.
L’espace autour de la télé se resserre tandis que derrière tout s’éclaircit.

Clope au bec et dehors, un couple décompte les 5 minutes d’arrêt de jeu. Il met sa main sur son épaule. Nous sommes les meilleurs. Elle s’avachit tendrement. L’espoir est là. Encore. Encore. Oreilles qui se frôlent. Baisers. Leurs deux têtes s’écroulent en simultané. Ils se séparent. Geste brutal. ¡ Ya esta !
Plus personne pour faire le fier. Plus rien à embrasser. La coupe du monde du comptoir était une vulgaire réplique.

mardi 15 juin 2010

Portugal-Cote d'Ivoire



Lieu : Le Villageois, 8 avenue Jean Aicard, Paris 11.
Commentaires : TF1 audible

Qui connaît Le Villageois ? Perdu sur une avenue qui n’a d’allure que le nom, ouvert à des heures incertaines, c’est un anonyme où l’on craint de s’aventurer. Vieilles photos du patron quand il était musclé, casquettes accrochées à des coupes, quelques dictons de bar idiot, c’est sûr, y a plus racoleur.
Pourtant, des habitués existent. Les gens du quartier. La communauté élargie des poivrots réunis. Et la famille qui vient le dimanche déguster lapin et morue.

Cet après-midi, il fallait s’y attendre, il n’y a personne. 3 pelés, pas de tondu, moyenne d’âge au dessus de l’âge légal de départ en retraite. Fafe, le patron est passé devant son bar et se plaint que la RTPI ne possède pas les droits télé.
Alors, c’est TF1, et je m’installe sur une banquette rouge et râpée. Ca sent fort le tabac brun mêlé au produit pour nettoyer le sol. Je m’en accommode avec un sumol de laranja. Le match est calme. L’assistance aussi. Elle feuillette Le Parisien sans y croire. Se fait servir un alcool sorti du fin fond d’une bouteille en plastique. Quelques remarques sur la météo qu’il fait, là-bas. Froid semble-t-il. Le maillot de l’équipe nationale ne parait pas du goût de tous. Et un mot que je ne comprends pas.
De temps en temps, quelqu’un rentre, serre poliment la main à tout le monde, boit un verre et s’en va aussi sec. Un automate sans parole.
Mi-temps. On peut enfin fumer en terrasse et regarder des enfants faire les cons dans le parc d'en face. Ca s’amuse à la baballe aussi. J’en rate le début de la seconde période.
Le parterre a doublé et essayé le jeu des chaises musicales. Nous sommes 6 désormais et me retrouve au plus près de la source de tabac brun. Le patron se plaint des travaux au-dessus qui couvrent les commentaires et lui tapent sur le système. Un type semble s’être pourtant endormi, plein nez dans sa Superbock. Un plus jeune pénètre au Villageois. Il chausse des lunettes pour y voir clair à travers la fumée. Enfin de l’animation. Elle sera courte. Trois cris plus tard, il revient à plus juste raison et s’assoit. Il demeure les coudes sous le menton avec toujours à la bouche ce mot que je ne comprends pas.

Le match se termine enfin. L’indifférence est de façade. La télé est éteinte. Nostalgie crache un vieux tube. Le patron est repassé derrière son comptoir et ressert une tournée générale. Je décline. J’ai enfin compris la signification du mot. Pénible.

lundi 14 juin 2010

Italie-Paraguay



Lieu : La Bambolina caffe, 9 rue de Rougemont, Paris 9 puis dans la pizzeria d’à coté
Commentaires : Italien, puis TF1 inaudible, trop fort puis coupé.

On ne m’avait pas menti. La Bambolina est un vrai bar italien. Et pas simplement parce que caffé s’orthographie avec deux ff.
Une demi-heure avant le début du match, c’est la bousculade. Tout le monde est content de se retrouver, les maillots bleus s’affichent sous la veste et certaines filles se sont fait poser des ongles tricolores.
Les habitués sont là. Ceux qui viennent les dimanches pluvieux regarder des matchs de Serie A. Mais aussi leurs collègues, familles, parents et consorts. Une jeunesse dorée et bien bronzée. Les plus prudents ont prénotés une table. En arrachant une bière, la jolie serveuse me dit que le comptoir est également réservé.

Benoît est en retard et je commence à être inquiet. L’hymne retentit, il est chanté à pleins poumons et les poitrines manquent de faire exploser le bar. Je recule devant la loi du nombre. Encore un pas et me voilà dehors, sur le trottoir. Comme les autres.
Benoit arrive enfin. On ne peut pas rester là. Il faut être azzuri pour tenter d’apercevoir un micro bout de télévision.
Ca tombe bien, à deux pas, il y a une pizzeria où nous retrouvons d’autres réfugiés télévisuels. Le patron a l’air d’un sicilien d’origine tamoule mais l’écran est grand.
Le rosé se boit sans étiquette, les pâtes sont homologuées, le jeune personnel, oh surprise, est italien et ne prononce pas un traître mot de français. Cela converse fort entre les tables lorsque l’écran se fige. Plus d’image. Bonne pioche, le Paraguay vient de marquer un but.
Mi-temps, les serveurs peuvent enfin circuler parmi les chaises installées à la va-vite. Quelques uns font des allers-retours avec le bar voisin, d’autres se recoiffent aux toilettes et la diffusion reprend. Capricieuse, entrecoupée, hachée par un modem qui fait encore des siennes.
Le public est compréhensif, n’élève la voix que pour encourager ou injurier sa propre équipe. Et puis surtout l’Italie finalement égalise. Hurlements, vociférations, le soulagement s’exprime avec emphase.

Fin du match, le restaurant se vide aussi rapidement qu’il s’était rempli. Nous nous retrouvons seuls. Les grands murs paraissent soudain très blancs. La panacotta devient trop molle. La serveuse a oublié tout son italien et nous porte la note.
Le limoncello n’était pas offert.

dimanche 13 juin 2010

Algérie-Slovenie


Lieu : Le Soleil, 136 Boulevard de Ménilmontant Paris 20
Commentaires : TF1 audible en fin du match.


Tous les habitants de Ménilmontant le savent. La meilleure terrasse, c’est Le soleil qui la possède. Plein sud, à deux pas du carrefour, c’est un excellent poste d’apéritif, de rencontres et d’observation.
Sauf qu’aujourd’hui, il fait gris, il n’y a personne dehors et tout se passe à l’intérieur. Là où on ne va jamais se perdre. Où les toilettes sont déconseillées pour les femmes.

Chaises, tables, bancs sont bien alignées face à deux écrans flambants perdus dans un océan de posters jaunis. L’espace est intégralement occupé. Frère, il faut chercher dans la réserve. C’est bon cousin, mets-toi là, y a un trou à coté du flipper.
Niveau déguisement, on n’a pas lésiné pour afficher son amour de la sélection. Chapeaux, maquillage, maillots ou chaussette siglées One Two Three à gauche et Viva l’Algérie à droite.
La tension est palpable. Cela parle fort. Vite. Et à tout le monde.
Quelques uns prient. On recommande du thé à la menthe. D’autres prennent de l’avance et plusieurs verres de bière à la fois. Alors, des fois, cela verse et on rigole. Mais pas quand le liquide tombe sur attention, s’il vous plaît, il y a des enfants.
L’hymne retentit, beaucoup le reprennent, de longs drapeaux sortent et frôlent le plafond.
Le match commence. Tout est bon pour s’exciter. Et chanter. «Arouah, arouah». Je comprends vite que cela signifie quelque chose comme «allez».
Des cris fusent. Pas forcément à bon escient. C’est sûr, il n’y a pas que des connaisseurs. Simplement des supporters. Un enfant trouve qu'il n’est pas normal que les joueurs slovènes puissent jouer en vert.
Mi-temps. Rien à signaler. Il faut simplement faire la queue pour humer l’air d’une cigarette.
Il fait toujours aussi gris. Dehors, les portables crépitent et l’on prend des photos à envoyer par texto. Mais déjà, du bruit à l’intérieur du bar.
Rien de grave. Un éclat de rire général. La télé montre un supporter algérien juché sur un projecteur du stade et qui toise FIFA et règles de sécurité.
Niveau règlement, ici aussi, au Soleil, c’est limite. Les sardines sont moins serrées. Le patron a arrêté de faire la chasse aux non-consommateurs. Ca bouge dans tous les sens. Surtout quand un surnommé TGV touche le ballon. J’en redoute presque un but algérien. L’inverse se produit et un silence vide la salle.

On a donné le match. Le gardien est champion du monde des coupes de cheveux. Il n’y avait personne sur l’aile droite. Saadane est le pire entraineur. Les explications de la défaite se multiplient. Toutes valables.
Car il ne fait plus gris. Des rayons balayent le boulevard. Et forcément, il est temps de s’asseoir en terrasse.

Serbie-Ghana


Lieu : Bar La Victoire, 19 rue Simplon, Paris 18.
Commentaires : en serbe


Il y a un quartier à Paris qu’on appelle la Petite Belgrade.
Quoique quartier, c’est vite écrit. C’est un bout de rue au fin fond du XVIIIe arrondissement. On y déniche une très belle église, des magasins d’import-export, quelques alimentations de produits balkaniques et d’inévitables bar-restaurant tout en velours et boiseries.
C’est dimanche, milieu d’après-midi, le repas a été avalé, des grappes humaines digèrent en discutant sur la chaussée. Sans à priori, je choisis le bien nommé Bar La Victoire. Menu à 11 euros, spécialités de cassoulet et choux farci, seul un petit chien répond en aboyant à ma salutation, mais cela semble bien.
La partie commence dans 15 minutes, il est temps d’installer un drapeau en devanture. Un barbu grimpe sur une table en plastique. On s’y reprend à plusieurs fois. La bannière s’écroule. C’est compliqué. Presque autant que de commander à boire.

En bout de comptoir, sous un calendrier de la compagnie d’aviation Jat, je sirote une bière Jelen à l’effigie d’un cerf. L’hymne national ne déclenche aucun mouvement. La salle n’est pas pleine. Des hommes costauds avec des ceintures brillantes et des jeans décorés de paillettes. La télé est minuscule, la bande-son est en langue originale. J’y vois mal, ne comprend rien à part le nom des joueurs et me permet quelques commentaires en français. Sans réponse.
C’est la mi-temps. Le moment d’ouvrir les rideaux rouges de l’arrière salle, de faire rentrer de la lumière et d’arroser les géraniums. On se ressert de raki petits verres ou en bières surdimensionnées. Quelques uns mangent des gâteaux saupoudrés de sucre glace. Cela a l’air appétissant. Mais je sens qu’il est illusoire de désirer la même chose.
Maria fait son apparition dans le café. Pas un mot. Juste des regards. C’est la seule femme à part 3 générations de patronnes derrière le comptoir en formica.
Un instant de rire. La télé montre un supporter torse nu en train de danser. Puis retour à la normale. Au silence. Et aux cigarettes, ici autorisées.

La Serbie perd. Cela n’émeut personne. Cela semble une déception habituelle. Le bar se vide avant même la fin de la rencontre. On regarde l’inévitable défaite depuis le trottoir.
En partant, je salue poliment en disant au revoir. Personne ne me moufte. A part le petit chien qui aboie.

samedi 12 juin 2010

Argentine-Nigéria


Lieu : Bar-Restaurant El Sur 35, boulevard Saint-Germain Paris 5
Commentaires : TF1 au plus bas.


Centre culturel, boutique, bar-restaurant, El Sur est bien connu dans le microcosme argentinophile parisien. La viande y est bonne et si l’envie subite d’acheter du maté vous saisi, les possibilités sont infinies. Palo, sin palo, Gaucho, au citron, Cruz de malta, tous les choix sont permis, et seuls, les spécialistes auront compris
Cependant, que l’on ne s’y trompe pas. El Sur n’est pas une vulgaire cantina. Ici, cela se sent, tout respire le quartier latin. Exposition de peintures, livres bien rangés, émissions de France Culture programmées, la première barra brava est à des milliers de kilomètres.
Alors, devant le rétroprojecteur habituellement dévolu à des films d’auteur, c’est une clientèle sérieuse et cultivée qui a pris place.

La cuisine est fermée, c’est exceptionnel, les cocineros font la pause, impossible de manger, pas même une empanada, une jolie blonde fait la moue. Elle attrape une bière Quilmes et rejoint ses copines multicolores. Seleccion ou pas, l’important c’est le club, et bleu et blanc concurrencent les hommages à Boca, River ou Atlanta.
L’hymne est avalé sans respect, le match commence à pas feutrés devant un parterre concentré.
Seul, en couple ou avec des amis, on n’est pas là pour rigoler. Le foot, c’est du sérieux. Lorsque l’Argentine marque, on s’emballe juste ce qu’il faut pour revenir à l’essentiel. Tactique, positionnement, les commentaires sont chuchotés d’une oreille à l’autre entre deux gorgées de maté.
Peu d’interjections. A part quand Diego Maradona fait le pitre. Il a un très beau costume remarque l’un. Il porte deux montres répond l’autre.
C’est la mi-temps. On remplit les thermos d’eau chaude et on sort fumer des cigarettes courtes pour pousser un premier ouf. La blonde est très contente. Elle a acheté des gaufrettes au chocolat. Les mêmes que lui donnait sa grand-mère quand elle revenait du collegio.
Paul arrive pendant la seconde période. Mais ne peut me rejoindre. La salle est pleine à craquer et il n’est pas question de déranger. Il demeure accoudé au comptoir avec un étudiant chevelu.
La situation n’évolue pas. L’Argentine gagne mais l’inquiétude aussi. La parole est rare. Un joueur prend un ballon mal placé. Un rire nerveux parcourt l’assistance.

Ca y est. C’est la fin. Accouchement réussi, quelques langues se délient avec une fierté mesurée. La victoire relève d’une logique universitaire programmée. On fanfaronnera plus tard. Après la finale. Déjà, les tables sont débarrassées et on rallume la parilla. Il est plus que temps de redresser les tableaux qui, eux aussi, ont tremblé.