mardi 29 juin 2010

Japon-Paraguay


Lieu : Le Bistrot Japonais, anciennement Le Ventadour, 46 rue des Petits Champs Paris 2.
Commentaires : France 2 audible.

Le coup était sur. Quartier Saint-Anne, haut lieu de la culture niponne, le bonheur serait au coin de la rue. Un renseignement plus tard, voilà le Bistrot Japonais. Comptoir en zinc, bière à la pression, tabac, bingo, loto, du classique. A quelques détails près.
Personnel et clientèle majoritairement japonais, alcools à idéogrammes sur l’étagère et panneaux indiquant que, pendant le match, tous les jeux (rapido compris) seront suspendus. C’est du sérieux.

Comment dit-on à votre santé en japonais ? L’hymne est ignoré. Un métis explique que les paroles sont d’un autre temps et d’inspiration ultranationaliste.
Le bar a fait le plein. Japonais, français avec maillot des samouraïs bleus, sympathisants du quartier se placent dos à dos. Petite télé ou écran géant, comptoir ou salle. Les plus petits gabarits demandent pardon et se hissent sur la pointe de leurs ongles multicolores. Tire le rideau, y a trop de lumière.
Les cris sont rares. Les émotions contenues. Pour lutter contre la sueur, des mouchoirs pliés sortent des poches. Les tickets rapido ventilent de l’air frais. Les serveurs se placent des glaçons dans le dos. Les magasins ferment, les restaurants vont ouvrir, l’espace se resserre dans l’ordre et la gêne. Deux types de salutation. Bises franches ou hochements de tête.
Ils ont déjà marqué interroge une vieille antillaise à la vue défaillante ? Non, c’est petit filet.
Man Nix débarque à la pause. Le Japon me fascine. Armé de sa flipcam, il disparaît entre papillon brodé dans les cheveux, bandeau kamikaze au soleil levant et veste de jogging bleu canard.
D’en face, d’à coté, on vient aux informations. Rien de neuf informe une chemisette à rayures immobile.
Les yeux clignotent, tiquent et toquent. C’est long. Ennuyeux. Les ralentis permettent de s’extasier sur des gestes défensifs héroïques et de crier Nippon, Nippon, Nippon ! Mais pas trop longtemps.
Des cravates arrivent. Soufflent. Souffrent. Ce n’est toujours pas fini. Cela se prolonge.
Les passants ne sortent plus du bar. Grand-mères à casquette et jeunes filles tatouées comprises.
Penalty. Révision complète des noms des joueurs. Avant chaque tir, le nom est scandé. Honda. Kawagachi. Endo. Les mains frissonnent. Se joignent. S’accrochent à tout ce qui est possible. Petit chien. Journaux. Cravate. Porte-clefs poupée. Verre. Amie. Téléphone. Comptoir. Pim sur la barre. Raté. Oohhh !

Pas de rage tragique. Déception à peine visible. Les français sont les plus accablés. Le bar se dépeuple à la vitesse grand V avec des petits sourires. La victoire eut été belle. Mais n’aurait pas changé ce sentiment de ne rien pouvoir arracher à l’intimité.