Lieu : El Prado 55 Boulevard Voltaire Paris 11.
Commentaires : en espagnol audible
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Ma première intention était de tenter ma chance dans un café suisse. Raté, bar fermé comme un coffre-fort. Moment de panique, hésitation, puis l’évidence, le facile El Prado.
Bien connu des ouvriers du bâtiment qui viennent profiter du buffet à volonté servi à midi, le lieu est un morceau de terre espagnole échoué sur le Boulevard Voltaire. Dès sept heures, c’est la valeur sûre du tapeo. On s’y bouscule pour grignoter les beaux restes du déjeuner.
J’avais vu juste. Le bar est bondé, aucune trace du buffet, deux télés rivent les regards. Toutes les tables ont été retirées et c’est debout qu’une foule agitée assiste à ce qui paraît être une formalité.
La coupe du monde est en effet espagnole. Elle trône au-dessus des pistolets à bière et nombreux viennent l’embrasser avant de passer commande. En espagnol por favor. Car pour les quelques français, baragouiner una cana semble le gage pour être accepté à l’auberge.
Je ne suis pas le seul retardataire. En vitesse, on a sorti les maillots de la Roja gardés toute la journée dans son sac au bureau. Le personnel n’a pas eu ce problème. Il a pris son temps pour placer une mantilla à froufrou vert sous la télé et se visser une casquette rouge sur la tête.
Les paroles sont vives. La masse est confiante. Une belle action et résonnent des « palapapapalaapa y viva espana ! ». Un chauve se gratte la tête. Une demoiselle se frotte la nuque. Un barbu se tient les mains. Le mimétisme avec les images est étonnant. Même accès de colère, grand œil noir quand l’arbitre siffle à l’envers, le match est vécu intensément et la mi-temps est déjà passée.
La pause est courte. On file chercher argent, cigarette ou ami. Un privilégié a droit à une paella en catimini derrière le comptoir. D’autres bouffent des sandwiches accoudés à l’échafaudage qui barre l’immeuble.
Le glissement sémantique est brutal. Il tient à un but Suisse. Finis les vamo, oubliés les venga. Place aux hijo de puta. Vive la concha de tu madre. Pauvre mère remarque une femme. Nul ne l’entend. Et surtout pas le tatoué qui rumine et tape du pied.
L’espace autour de la télé se resserre tandis que derrière tout s’éclaircit.
Clope au bec et dehors, un couple décompte les 5 minutes d’arrêt de jeu. Il met sa main sur son épaule. Nous sommes les meilleurs. Elle s’avachit tendrement. L’espoir est là. Encore. Encore. Oreilles qui se frôlent. Baisers. Leurs deux têtes s’écroulent en simultané. Ils se séparent. Geste brutal. ¡ Ya esta !
Plus personne pour faire le fier. Plus rien à embrasser. La coupe du monde du comptoir était une vulgaire réplique.
Bien connu des ouvriers du bâtiment qui viennent profiter du buffet à volonté servi à midi, le lieu est un morceau de terre espagnole échoué sur le Boulevard Voltaire. Dès sept heures, c’est la valeur sûre du tapeo. On s’y bouscule pour grignoter les beaux restes du déjeuner.
J’avais vu juste. Le bar est bondé, aucune trace du buffet, deux télés rivent les regards. Toutes les tables ont été retirées et c’est debout qu’une foule agitée assiste à ce qui paraît être une formalité.
Je ne suis pas le seul retardataire. En vitesse, on a sorti les maillots de la Roja gardés toute la journée dans son sac au bureau. Le personnel n’a pas eu ce problème. Il a pris son temps pour placer une mantilla à froufrou vert sous la télé et se visser une casquette rouge sur la tête.
Les paroles sont vives. La masse est confiante. Une belle action et résonnent des « palapapapalaapa y viva espana ! ». Un chauve se gratte la tête. Une demoiselle se frotte la nuque. Un barbu se tient les mains. Le mimétisme avec les images est étonnant. Même accès de colère, grand œil noir quand l’arbitre siffle à l’envers, le match est vécu intensément et la mi-temps est déjà passée.
La pause est courte. On file chercher argent, cigarette ou ami. Un privilégié a droit à une paella en catimini derrière le comptoir. D’autres bouffent des sandwiches accoudés à l’échafaudage qui barre l’immeuble.
Le glissement sémantique est brutal. Il tient à un but Suisse. Finis les vamo, oubliés les venga. Place aux hijo de puta. Vive la concha de tu madre. Pauvre mère remarque une femme. Nul ne l’entend. Et surtout pas le tatoué qui rumine et tape du pied.
L’espace autour de la télé se resserre tandis que derrière tout s’éclaircit.
Clope au bec et dehors, un couple décompte les 5 minutes d’arrêt de jeu. Il met sa main sur son épaule. Nous sommes les meilleurs. Elle s’avachit tendrement. L’espoir est là. Encore. Encore. Oreilles qui se frôlent. Baisers. Leurs deux têtes s’écroulent en simultané. Ils se séparent. Geste brutal. ¡ Ya esta !
Plus personne pour faire le fier. Plus rien à embrasser. La coupe du monde du comptoir était une vulgaire réplique.