mardi 22 juin 2010

Afrique du Sud-France


Lieu : La pomme d’Eve, 1 rue Laplace Paris 5.
Commentaires : anglais inaudible.

Le choix était cornélien. Le sondage publié avant la rencontre clair. 75 % des français souhaitaient la défaite de l’équipe de Domenech. Autant dire que le moindre rade parisien devenait terre étrangère. L’étude eut été intéressante. Les dits rades se changeraient-ils pour autant en havre sud-africain ?
Je répondis non.

Fréquentée par les amateurs de rugby et étudiants du quartier, la Pomme d’Eve est un sous-sol gothique. Décoration sommaire, quelques peaux de bête, ballons ovales, difficile de distinguer ce pub des congénères qui pullulent dans le quartier. A part un son. Ou plutôt une langue. L’Afrikaner. Définitivement plus compliqué que le hollandais.
Une dame me propose de s’asseoir à coté d’elle. En première ligne, face au grand écran, auprès de ses enfants en sandales. C’est gentil. Elle m’entretient en langue originale. Ma réponse se perd dans l’hymne. Plutôt joli et chanté à pleine voix. La configuration cave accentue la résonnance.
Une longue coupure publicitaire plus tard, le match trottine. Les petits paquets de chips sont ouverts. Oignons, bacon et je ne sais quoi. Les noms des joueurs sud-africains ressemblent à de charmantes onomatopées. Quelques noirs dans la salle, français. Cela chuinte. Cela grince. Cela encourage. Un œil zieute une télé installée près du bar qui diffuse l’autre partie. Métronome, il informe l’assistance. Seul l’orgueil français semble intéressé. Cette même morgue qui ne cesse de déverser vérités, avis, dégout jusqu’à la nausée.
Les enfants crient bravo, bravo, bravo. Ouf, un but est marqué. Une musique entrainante célèbre l’évènement. Petits et grands se dressent, reprennent le rythme en frappant dans leurs mains. Pas le temps de m’informer sur l’auteur de la chanson, tout le monde debout, la mélodie revient. Quelques supporters bleus se taisent et en profitent pour partir.
Mi-temps. Case essorage. Les français donnent de l’air à leur téléphone portable. Les sud-africains rincent et font le plein de chips. Je change d’angle et rejoins des gens assis par terre, le plus près possible de la sortie. Ma vision est limitée mais je m’en fous. Je suis loin des jérémiades. Plein phare sur ce barbu qui imite (mal) le bruit du vuvuzela victorieux. Face aux grimaces qui se moquent des mimiques footballistiques. Dans mon dos, il y a les genoux d’un gars qui trépigne avec les bafanas. Petite bousculade. Des français s’assoient à ma droite. Lamentations de nouveau. Sale ambiance et gémissements. Ils encouragent les locaux sans y croire. La télé du bar est oubliée. Aucune ritournelle pour célébrer l’exploit français.

C’est fini. Mitraillage de flash. Entre deux pubs, les enfants se font photographier devant l’écran où des joueurs s’embrassent. Un V de la victoire dans une main, un pouce baissé dans l’autre. Le barman remet la musique du but. Cette fois en entier. Cela donne envie de danser et de s’embrasser.
Dehors, dans la rue, aux terrasses des cafés, à la bouche des mobiles, la lancinante mélodie assassine reprend. Les vieilles rancoeurs. Les bonnes rumeurs. Chacun son opinion. Forcément la bonne. Grande est la tentation de tout croquer et se réfugier à la cave.