dimanche 11 juillet 2010

Hollande-Espagne


Lieu : Les Enfants de Paris, 116 rue Amelot, Paris 11e.
Commentaires : TF1 trop fort.


Alors, alors, tu le vois où le match ? Chez les Hollandais ? Tu t’es déjà fourré dans un restaurant Catalan ? Les questions s’accumulent. Ma réponse est identique. Au plus près de chez moi. En territoire neutre pour La Dernière.

Dimanche soir. Mauvaise pioche. Le bar d’en bas est rideau baissé. Que faire de mon concept ? Le suivre et tourner au coin de la rue, 20 mètres plus loin, direction Les Enfants de Paris.
Le comptoir en U respire le neuf. Acheté, repris, changé, lifté, l’établissement n’a rien d’un rade affreux. Quelques tables sont réservées pour les vieux habitués du mois dernier. Toutes ces belles personnes, ces différents looks, ces gamins en salopettes. On se croirait à New-York ou à Berlin analyse Vincent qui s’y connaît sacrément en géographie urbaine.
Je vais prendre une petite bière moi aussi. Il a fait bouillant aujourd’hui. Une putain de cagne, tu veux dire. Aucun supporter apparent. Cris nuls. Angoisse absente.
Les oranjes jouent en orange. La roja en rouge. C’est facile à retenir. La télé se grisaille. La HD, c’est vraiment de la merde se désole le patron. Le match s’engage dans l’équité émotionnelle.
Ohlala. Les bataves, c’est des bâtards. De sacrés débiteurs de jambon. Je le dis depuis le début. Les coups sous la ceinture donnent faim. La cuisinière est brésilienne. Des petites bouchées trempées permettent de tenir jusqu’à la cigarette de la pause.
Là, il y en a vraiment marre car c’est pas très légal tout ça. Vamos Espagne prononcé avec l’accent français sonne faux mais monte en puissance. Tu peux arrêter de répéter Caramba, Caramba toutes les cinq minutes. L’assemblée moins une personne a choisi son camp.
Les Gentils. Les Méchants. Le glissement est remarquable. Définitif et sans appel. Cela applaudit. Siffle. Regrette avec mauvaise foi. Désolé de vous déranger dans ce moment compliqué, mais si vous voulez encore manger, il faut commander maintenant, la cuisine va fermer.
C’est toujours pareil. Justice et morale n’existent pas en football. François pronostique une victoire finale des Méchants tout en espérant le contraire.

Super, le pari est perdu. Un concert de klaxons arrosé de campeones, campeones s’improvise dans les rues. Remise de la coupe dans la neutralité du bar. Pas d’embrassade, ni de joie exagérée. Juste la satisfaction générale d’avoir grimpé sur le bon cheval et observé la victoire d’un désigné Bien sur le Mal.
Les petits commencent à pleurer. Vouloir boire ailleurs. Il est temps d’aller se coucher avec une jolie histoire. Demain, Les Enfants de Paris auront tout oublié. Sauf que cela finit bien.

mercredi 7 juillet 2010

Allemagne-Espagne


Lieu : Goethe Institut, 17 Avenue d’Iena, Paris 16.
Commentaires : Allemand très doux.


Ne le cachons pas. Autre que la fatigue et la lassitude de fréquenter chaque soir un comptoir différent, l’idée de se rendre au Goethe Institut tient en une phrase « À la mi-temps sera remis une récompense pour le plus beau costume célébrant la Nationalmannshaft ».

Besoin de clichés en grosses chaussettes, soif de folklore bavarois n’empêchent pas le retard. Des reproches, des petits cris, voilà pour l’accueil. La raison est simple. Etourderie et méconnaissance de la langue allemande qui raconte en substance « attention idiot, tu es devant le rétroprojecteur et nous empêches de voir la partie ».
Plus une jolie chaise noire disponible dans la salle parquetée. Avec la promesse de les remettre ensuite, les relax métalliques vertes du patio font l’affaire.
Dans la pénombre, état des lieux visuel. Public assez âgé et bien fagoté, étudiants sortis de la bibliothèque, quelques femmes seules et un aveugle qui se fait raconter la partie par son voisin.
Le son du match est léger. Ne dérange en rien les conversations et le murmure permanent. Où vas-tu en vacances ? Je présenterai ma thèse en septembre. C’est quoi l’idée de la règle du hors-jeu ?
Quelques allers-retours. Vers le design du grand hall où des dames à la coiffure mise en plis proposent bières fraîches et petits pains. Une seule variété de wurst mais plusieurs sauces. Bruit discret de vuvuzela pour célébrer le retour sur blessure d’un joueur. Des Iphones s’exposent pour démontrer que l’application est désormais disponible et moins bruyante.
Déjà la mi-temps. La salle profite de l’air chaud du jardin. Un type prend la parole façon Arte. Il commence une phrase en français et la termine en allemand. Enfin le concours. Un regard circulaire en dit long sur le faible nombre de combattants. Aucun.
Dans l’indifférence générale, parents exceptés, un garçonnet avec un chapeau rouge, noir et or remporte une valise contenant les dernières publications de l’Institut.
Le match a repris. Bien peu s’en sont aperçus. On converse au clair de lune. Dissertation lancée sur le sens des badges offerts à l’accueil. Klar, Tchuss, Prost est-il écrit dessus. Gluck remporte le plus de succès.
But des rouges. Supériorité ibérique évidente. Quelques verres glissent sans avoir le temps de tacher le sol. Vite, vite une serviette, et hop, il n’y paraît plus rien. Je suis pas très foot. Pourquoi l’arbitre n’est pas en noir? Ils sont beaux, ces jeunes espagnols. C’est bientôt fini ?

Oui. La plus belle vague d’applaudissements célèbre la fin du match. Elle consomme la défaite avec le fair-play qui sied aux amateurs éclairés. Ou aux indifférents qui cherchent des prétextes pour se retrouver et discuter par une belle soirée d'été.

samedi 3 juillet 2010

Argentine-Allemagne


Lieu : El Chivito, 63, rue Paraminières Toulouse.
Commentaires : TF1 audible.


8 m2, c’est suffisant pour loger 4 tables en bois, quelques bancs et promettre milanesas, empanadas ou choripans. El Chivito a fait le plein et plus encore. Un mélange héteroclite de barbes de trois jours, chemisettes repassées, marcels musclés et serre-têtes se presse autour d’un point commun.

L’hymne argentin est ignoré. Pas l’allemand qui est gentiment sifflé.
Ganar o morir. Le match démarre. Comme d’habitude, on va souffrir. A peine le temps de rêver à 86 et passer une paire de chansons en revue, douche froide. Loco, no pasa nada excuse le commentateur rasta et tatoué. Serein, il officie en fumant à travers la fenêtre, depuis la rue.
Des retardataires se faufilent. Accueil et mine des mauvais jours. Heureusement, ils ont apporté les porte-bonheurs. Echarpe sale, petit drapeau que l’on s’empresse de serrer et tripoter très fort.
Le tatoué roule les RRR. Il encourage l’Apache, invoque l’amour de Dieu et demande l’entrée d’un joueur uruguayen. Il fait rire. C’est le seul.
Chute. Un pot de fleurs bleu et blanc s’écrase au sol. La plante demeure les racines en l’air. Trop de monde. Le tatoué aide à extraire la porte de ses gonds et ainsi permettre à ceux qui sont dehors d’assister au spectacle.
Musique et soupirs. Ganar o morir. Ils vont se réveiller répète le tatoué. Ne pas prendre de second but. Et surtout intervertir les places à la mi-temps pour conjurer le mauvais sort.
Tir. Tir. Tir. C’est mou. A peine de quoi s’émousser en frappant des mains et murmurer quelques injures.
Tir, tir, tir. C’est dedans. Dîtes moi que je vais me réveiller. La voix du tatoué s’éteint. Le petit drapeau ne résiste pas et se déchire. Je ne veux pas voir cela. Je ne peux pas voir cela. La fenêtre est abandonnée. Le local se vide en silence.
Plus un mot. Les 8m2 paraissent maintenant immenses. Emplis de tristesse et de désolation. Des regards qui s’évitent. Des phrases entre voisins qui ne se terminent pas. Les derniers habitants ne parviennent pas à quitter les yeux de l’écran. Tétanisés. Hébétés. Scotchés. Même quand la publicité pour rasoirs jetables démarre et que les joueurs ont rejoint l’ombre des vestiaires.

Des klaxons animent la rue. Suerte, ce n’est pas des allemands en goguette. Juste des mariés qui veulent partager leur bonheur. Impossible d’esquisser le moindre sourire. Simplement s’écarter pour laisser passer le joyeux convoi. A l’écart, assommé auprès d’une rambarde, le tatoué ne peut pas. Ne voit pas. N’arrive pas à se relever. Ganar o morir.

vendredi 2 juillet 2010

Brésil-Hollande


Lieu : Caribe Café, 12 place Victor Hugo Toulouse.
Commentaires : France 2 audible.


Canicule sur Toulouse. Ou trouver la fraicheur ? Sous le ventilateur du Caribe. Dans une paillote intérieure décorée de canisses, drapeaux du Brésil et faux perroquets.
Une boisson gelée tourne dans une centrifugeuse qui affiche Granita en lettres rouges fraise. Il en sort un liquide au goût de citron et de cachaça industrielle. Donne-moi une limonade plutôt.

Discours d’un joueur au micro avant le match. La samba couvre ses paroles. Vai, vai monte le son. Trop tard, sans l’avoir entendu, on l’applaudit quand même. L’hymne démarre. Chanté du bout des lèvres.
Tous les modèles de maillot sont disponibles au Caribe. Jaunes, verts, bleu, Corcovado, soleil, plage et palmiers. Une question française se perd dans le brouhaha, le tout le monde debout et les cheveux rastas. Si j’étais à l’étranger, afficherais-je avec autant de ferveur mes couleurs nationales ?
Issou. But du Brésil. Fausse alerte. A peine rangé, embrassades, sauts et Brazeou! Brazeou ! refont trembler les canisses. Sifflets et cornes de brume organisent une sonore compétition. Trop facile. Un grand pot de bière, bien gelada s’il vous plaît, fait le tour des lèvres. Que valeu ! Le serveur s’amuse à asperger la foule à coups de robinet d’eau pétillante. C’est sucré mais cela fait du bien. Todo bem.
Bruits de couloir. Hurlements. Pendant 5 secondes les regards se détachent de l’écran. Le bar du fond s’est écroulé sous les pas de danse. Pas grave, on le remontera à la mi-temps.
Tranquilo, jupes courtes, muscles et tongs prennent l’air chaud. Tu es tellement magnifique cet après midi ! 15 ans déjà ton premier fils ? Ah, vous les Bahaianais vous avez vraiment une énorme bouche.
Ca recule. Ca va être chaud. Les colliers de plage sont décortiqués pierre après pierre. Une coupe du monde sans Brésil n’est plus une coupe du monde. Le klaxon devient canard. Des lunettes de pacotille se cassent. La télé geint. Se coupe. Puis reprend. Avec le même cauchemar éveillé.
Vive invective dans le bar. Dispute. A qui la faute ? Qui criera le plus fort ? Laissez-moi passer. Tu me marches sur les pieds. Les commentateurs portent malheur. L’égoïste tue le collectif. Je ne veux pas. Dernier tir main dans la main. Signe de croix. C’est mort. Il n’y a plus qu’à pleurer. Et appeler sa mère ou sa petite amie.

En 2016, la coupe du monde sera chez nous. Au pieds des favelas avec les fusils braqués. Si les joueurs se manquent, ils sont…. Le geste de la main est explicite. On s’en fout. On s’en fout. Il n’y a que nous qui avons 5 étoiles.
Joints d'herbe au bec un groupe de garçons ne prend pas part aux débats. De la tête, du pied, du ventre, ils jonglent avec un ballon jaune. Ils comptent aussi. 23-24-25-26. Aïe c’est loupé. Encore toi ! Rigolade. Faut tout recommencer.

mardi 29 juin 2010

Espagne-Portugal


Lieu : La Paella, rue des Vinaigriers Paris 10.
Commentaires : Espagnol audible, baissé puis remis.

La Paella est une institution familiale de l’Espagne à Paris. Desde 1954 indique la vitrine. Beaucoup de monde. Age, sexe, amis, famille et chiens indifférenciés. Pas d’excès de confiance visible. Face aux cousins, modestie est de rigueur. Installée sur le trottoir, une tireuse à bière temporaire évite de passer par le comptoir. Demi plutôt que pinte pour ne pas risquer le réchauffement.

Désolé, la salle de restaurant du premier étage est entièrement réservée. Au rez-de-chaussée, les habitués ont pris leurs précautions. Les assiettes de tapas sont vides mais pas question de bouger du tabouret. Reste à se créer une place debout entre escaliers, comptoir, néons rouges et cuisine.
Hymne ignoré. Balayé. La selección ne résout pas les différences culturelles. Un enfant se faufile avec un étrange drapeau blanc à franges. ¿Real Zaragoza, por qué?. Le petit ne répond pas et file s’installer sur les épaules paternelles.
Odeurs de poissons frits. Boquerones, pulpo hurle la serveuse. Une main attrape l’assiette. Étonnant ballet. Version alimentaire du jeu de passes tiki-tiki. La commande part du comptoir, file en cuisine, évite la foule, revient, monte les escaliers et redescend sans heurt ni renversement.
Action dangereuse. Vague timide de España ! España ! España ! Une voix crie Portugal ! Portugal ! Portugal ! Un tee-shirt rose tendance masochiste se dresse et reprend seul contre tous. Regards médusés. Pas d’incident diplomatique. Ni de quoi s’enthousiasmer. Les chants des Gambas! Lomo ! Tortilla ! remettent les idées au clair.
Mi-temps. Rafraîchissement généralisé dans la rue. Les gamins jouent au pistolet à eau. Les parents tirent sur de la bière fraiche. La pause est trop courte pour tous.
Ca se rapproche. Ca va venir. Un vieux béret aligne cafés et petits verres d’alcool brun. Le petit-fils s’enfile du Kas Lemon à la paille. Villa ! Villa ! Villa ! Maravilla ! Le buteur a droit à sa chanson. Une grand coup de cloche sonne célèbre l’évènement. Et elle est pour qui cette ración de moules ? 3 mains se lèvent en même temps.
Des litres de bière sont transférés direction les cuisines. Olé, Olé, plus besoin de s’empêcher de chanter et de se gratter la tête. Dernier coup de cloche. Ca sent la gagne. C’est plié.

Campeon. Campeon. Campeon. La terrasse du bar voit plus loin que le bout de son nez. Cris, joie, discussions enflammées. Les chiens aboient, les mamans promettent de bientôt rentrer. Où sommes-nous donc passés ? Sur 10 m2, la rue des Vinaigriers a franchi les Pyrénées.
Alors, pourquoi douter ?

Japon-Paraguay


Lieu : Le Bistrot Japonais, anciennement Le Ventadour, 46 rue des Petits Champs Paris 2.
Commentaires : France 2 audible.

Le coup était sur. Quartier Saint-Anne, haut lieu de la culture niponne, le bonheur serait au coin de la rue. Un renseignement plus tard, voilà le Bistrot Japonais. Comptoir en zinc, bière à la pression, tabac, bingo, loto, du classique. A quelques détails près.
Personnel et clientèle majoritairement japonais, alcools à idéogrammes sur l’étagère et panneaux indiquant que, pendant le match, tous les jeux (rapido compris) seront suspendus. C’est du sérieux.

Comment dit-on à votre santé en japonais ? L’hymne est ignoré. Un métis explique que les paroles sont d’un autre temps et d’inspiration ultranationaliste.
Le bar a fait le plein. Japonais, français avec maillot des samouraïs bleus, sympathisants du quartier se placent dos à dos. Petite télé ou écran géant, comptoir ou salle. Les plus petits gabarits demandent pardon et se hissent sur la pointe de leurs ongles multicolores. Tire le rideau, y a trop de lumière.
Les cris sont rares. Les émotions contenues. Pour lutter contre la sueur, des mouchoirs pliés sortent des poches. Les tickets rapido ventilent de l’air frais. Les serveurs se placent des glaçons dans le dos. Les magasins ferment, les restaurants vont ouvrir, l’espace se resserre dans l’ordre et la gêne. Deux types de salutation. Bises franches ou hochements de tête.
Ils ont déjà marqué interroge une vieille antillaise à la vue défaillante ? Non, c’est petit filet.
Man Nix débarque à la pause. Le Japon me fascine. Armé de sa flipcam, il disparaît entre papillon brodé dans les cheveux, bandeau kamikaze au soleil levant et veste de jogging bleu canard.
D’en face, d’à coté, on vient aux informations. Rien de neuf informe une chemisette à rayures immobile.
Les yeux clignotent, tiquent et toquent. C’est long. Ennuyeux. Les ralentis permettent de s’extasier sur des gestes défensifs héroïques et de crier Nippon, Nippon, Nippon ! Mais pas trop longtemps.
Des cravates arrivent. Soufflent. Souffrent. Ce n’est toujours pas fini. Cela se prolonge.
Les passants ne sortent plus du bar. Grand-mères à casquette et jeunes filles tatouées comprises.
Penalty. Révision complète des noms des joueurs. Avant chaque tir, le nom est scandé. Honda. Kawagachi. Endo. Les mains frissonnent. Se joignent. S’accrochent à tout ce qui est possible. Petit chien. Journaux. Cravate. Porte-clefs poupée. Verre. Amie. Téléphone. Comptoir. Pim sur la barre. Raté. Oohhh !

Pas de rage tragique. Déception à peine visible. Les français sont les plus accablés. Le bar se dépeuple à la vitesse grand V avec des petits sourires. La victoire eut été belle. Mais n’aurait pas changé ce sentiment de ne rien pouvoir arracher à l’intimité.